#55 : Des premières bactéries à l’Homme (et l’IA ?) – Michel Galiana-Mingot

L’Origine de la Vie est aussi mystérieuse que celle de l’Univers, dont la précision des réglages surprend les cosmologues autant que les physiciens, et fait le lit des religions. Quoi qu’il en soit, l’ingénierie du Vivant force à l’humilité, tant elle brille par son intelligence, à l’image de la construction du cerveau, qui s’auto-design au contact de son environnement.

Nos cellules ont renoncé à leur autonomie pour s’hyperspécialiser, et favoriser le bien commun, donnant naissance à des animaux complexes comme les êtres humains. Leur ambition les pousse toujours plus haut, quitte à s’affranchir de leur enveloppe charnelle, pour peut-être un jour fusionner avec la machine, et devenir une conscience universelle qui essaime dans l’Univers.

Et même si nous sommes à l’aube de la révolution de l’IA, nous sommes toujours incarnés dans un corps, directement impacté par la vitesse des changements qui le dépasse, telle l’urgence climatique qui précipitera peut être sa disparition.

Comment naviguer dans ces eaux troubles où nos Origines s’opposent à notre Futur ? Quel sens donner à notre Vie, alors que nous sommes amenés à disparaître, dans quelques siècles ou millénaire, quand le soleil aura grillé la croûte terrestre ? Quels enseignements peut-on tirer de l’organisation du Vivant, et transposer aux Sociétés humaines, au Management et aux Entreprises ?

C’est pour éclairer ces questions que je reçois Michel Galiana, ex-patron de Sony France, redresseur d’entreprises en difficultés, mais aussi homme de sciences, et auteur d’ouvrages sur les origines de la vie et de l’univers.

Les premiers temps de la vie sur Terre (03:51)

• L’Être par définition est adaptable ;
• Il peut s’adapter aux fluctuations de l’environnement mais il y a quand même des limites (ex : une météorite qui s’écrase sur la Terre) ;
• L’évolution darwinienne c’est le fait que la descendance peut lentement s’adapter ;
• Nous avons donc deux façons de nous adapter: celle de notre corps et celle de l’espèce ;
• Au début de la vie, il n’y avait pas d’évolution darwinienne ;
• La Vie n’existe pas sans les écosystèmes : on a tort d’imaginer un être quand on parle de la vie ;
• Un objet vivant n’existe que par son environnement ;
• Il est possible que le début de la Vie soit dû à un écosystème de molécules ;

L’évolution darwinienne (08:15) 

• Elle commence quand les molécules encapsulent dans une membrane ;
• Dès qu’il y a concurrence entre des objets vivants, il y a une évolution darwinienne ;
• L’évolution est une martingale gagnante ;
• La sélection naturelle est aussi une martingale gagnante ;
• Exemple du dipneuste : c’est un poisson qui a commencé par ramper dans les marais et c’est notre ancêtre ;

Comment les cellules communiquent-elles ensemble ? (15:00)

• Certains insectes ont trouvé un moyen de coopération (ex : abeilles, fourmis, termites, etc) ;
• C’est ce qu’on appelle les événements émergents : on n’en sait pas comment mais cela se fait ;
• L’évolution a mis 3 milliards d’années pour faire un être cellulaire. Les bactéries ont mis 3 milliards d’années pour s’organiser alors que l’Univers date d’environ 13 milliards d’années ;
• Il y a des bactéries, quand elles sont en difficulté, qui se mettent en groupe en sécrétant une gelée protectrice et attendent un meilleur moment pour reprendre leur vie individuelle ;
• Le génome est une liste de protéine ;

 Le cerveau humain (23:30)

• On peut le représenter par 80 milliards de points sur une feuille, reliés entre eux ou encore c’est (ou c’était) le nombre d’arbres dans en Amazonie tous reliés par des lianes ;
• Les cancers, ce sont des erreurs de programmations : les molécules ne cherchent plus le bien commun mais leur prolifération ;
• On ne peut pas naître avec un cerveau câblé : comment peut-on alors le programmer avec seulement 2 000 gènes ?
• Les gènes ne font qu’un précâblage des zones (déjà quand on est un fœtus) ;
• Pour le cerveau, c’est comme les jardins anglais : un lien qui est excité se renforce alors qu’à l’inverse, celui qui n’est pas utilisé fini par mourir ;
• Quand on est enfant, beaucoup de liens se créent (40 000 connexions par seconde) et après elle sont excités ou non et progressivement, cette empreinte se crée dans le cerveau ;

• Il y a toujours l’inné et l’acquis : oui, c’est essentiel de parler à un nouveau-né, de le tenir dans ses bras car c’est le cerveau qui se forme comme cela ;
• Même à l’état adulte, on continue d’intégrer les expériences : on peut nous-même modifier les choses et acquérir des expériences qui vont nous enrichir ;
• Notre cerveau est toujours plastique : on est toujours un nouveau-né quelque part ;
• Il ne faut pas être victime de soi-même et on doit trouver des voies qui nous permettent d’évoluer ;

La spécialisation de la société (38:33)

• Il y avait une division du travail à l’époque : les hommes à la chasse et les femmes à la maison ; 
• Maintenant, on est très spécialisé dans notre travail mais il faut par ailleurs, s’élargir l’esprit avec autre chose ;
• Toute lumière se paie d’un mystère ;
• Les Occidentaux utilisent trop le cerveau gauche ;
• C’est un mirage de tout rationaliser ;

L’apogée de la physique classique (47:03) 

• La prétention qu’on avait à l’époque de tout régler, de tout connaître et de tout prévoir est un mirage total ;
• On ne peut pas ramener la Vie et l’Univers à des raisonnements simples ;
• Cela vient de notre origine de mammifère : le jeune lionceau qui court derrière les gazelles, rapidement il se forme un modèle de comment l’attraper ;
• Ces modèles cinétiques s’impriment et on a des modèles de l’environnement : seulement ceux de l’Homme sont plus complexes ;

 La Science au service du management ? (53:24) 

• Les Sciences ne m’ont pas tellement aidé et c’est plus dans le management une expérience humaine que j’ai vécue ;
• Si on enferme les gens dans des procédures, ils cessent d’être créatifs ;
• L’absence de procédure a également des inconvénients ;
• En management, il faut de l’autonomie mais également un accès à la connaissance ;
• Lorsqu’on a un projet, on est à la source de quelque chose et on a alors 3 rôles : entrepreneur, guide et gardien. Et quand d’autres personnes le rejoignent, ils adossent également ces trois rôles. Chacun est responsable et autonome dans son champ d’action ;
• Tout le monde est entrepreneur, guide, gardien ;
• Globalement, beaucoup d’entreprises échouent à cause du management ;
• Si un rouage rouille, l’ensemble ne peut plus bouger ;

Les cancers : une rupture du contrat social entre les molécules (01:12:18)

• Le premier être multicellulaire, c’est le Dickinsonia, qui vivait au fond des océans et n’avait que 2 types de cellules : une pour la protection et l’autre pour le mouvement et s’alimenter  ;
• L’Être humain a 250 types de cellules environ ;
• Les cellules ont un contrat : faire ce qu’elles doivent faire. Nos cellules sont liées par ce contrat ;
• Cela veut dire que les cellules ont perdu de leur autonomie à cause de ce contrat social. La vie de la cellule est donc réduite ;
• Le cancer, c’est une cellule qui à la suite d’une mutation oublie le contrat, sans volonté de nuire. Elles font alors autre chose que leur fonction ;
• Les cellules redeviennent individuelles et forment une tumeur ;

L’Être humain a-t-il rompu son contrat avec la Terre ? (01:20:54)

• On est né dans un environnement avec des règles non écrites mais qui sont semblables à celles des cellules : les comportements nocifs amènent à une extinction ;
• Il y a une co-évolution avec l’environnement : si on n’applique pas les règles élémentaires, c’est-à-dire le contrat social, il y aura des répercussions négatives ;
• L’Homme est le cancer de la Terre ;
• “Aucun animal aussi irresponsable n’a jamais eu de pouvoir autant que l’Homme” – Yuval Noah Harari ;

Homo Sapiens est-il destiné à créer un nouvel Homo ? (01:26:33)

• C’est normal qu’avec l’apparition de l’intelligence, une multitude de possibilités d’évolution de l’Homme soit possible ;
• La vie au niveau d’une planète, la biosphère, est un moyen de développer la dissipation d’énergie ;
• L’énergie puissante créée au Bing Bang cherche à se dissiper ;
• Tous les objets de l’Univers cherchent à dissiper l’énergie du Bing Bang ;
• Eric Chaisson a mesuré la dissipation d’énergie de tous les objets, vivant ou mort : 1g d’une cellule dissipe 10 000 x plus d’énergie qu’un gramme du soleil ;
• Les objets les plus complexes dissipent plus d’énergie ;
• Le soleil, c’est une boule de gaz, ne dissipent pas tant de chaleur que ça ;
• Les mitochondries créent l’énergie des cellules et cette énergie circule dans des arcanes complexes : c’est donc l’équivalent d’une usine très complexe ;
• 20% de notre énergie va au cerveau ;
• Nous sommes naturellement les êtres qui dissipent le plus d’énergie ;
• Il y a une fatalité : nous sommes plus complexes et nous avons besoin de plus d’énergie ;
• Il faut trouver des moyens de développer de l’énergie qui ne crée pas l’effet de serre ;

Doit-on sauver la Terre ? (01:33:58)

• L’IA sera la révolution dans les années à venir et non le métavers ;
• Je pense qu’on n’a pas le choix : si je décide de rester naturel, je vais finir par être dépassé par la société et ce n’est pas viable ;
• Toutes les sociétés et écosystèmes se font par un ajustement entre l’ordre et le chaos, et parfois dans la douleur ;
• Nous avons à notre niveau notre préférence et une marge de manœuvre mais in fine, on sera victime de la moyenne ;
• La luminosité du soleil va finir par griller tout ce qui vit sur Terre dans un demi-milliard d’années mais je ne pense pas que l’espèce humaine sera encore sur Terre : une espèce de mammifère dure environ 10 millions d’années ;
• L’Univers, c’est 14 milliards d’années, la Vie, 4 milliards d’années alors que l’Homme ça se compte en milliers d’années ;
• La lignée humaine a une longévité relativement limitée : la société évolue plus vite maintenant que l’espèce ;
• L’Homme avec son corps n’est pas quelque chose qui peut durer plus que 10 milles ou 100 mille ans ;
• Il se peut que l’intelligence humaine se développe sous une forme dématérialisée ;
• Il va y avoir un monde qui échappe au matériel et au corps et un monde dans le corps ;
• Il suffit d’un gros cataclysme pour que tout disparaisse sauf éventuellement les insectes ou bactérie ;
• Je n’imagine pas un instant que l’Homme aille essaimer dans l’espace : en allant sur Mars, l’Homme prend des radiations. Ceux qui reviendront de ce voyage auront de grandes chances d’avoir un cancer ;
• Une bonne partie des logiciels ne sont pas faits par l’Homme mais par des logiciels eux-mêmes. Et ces intelligences pourraient coloniser l’Univers ;
• L’Univers, composé de cailloux et gaz, pourrait devenir intelligent : c’est une possibilité ;
• Chaque heure, des espèces meurent à cause de l’Homme ! ;
• C’est dans la conscience collective que se trouvera la solution ;

Quel est le sens de la Vie ? (01:50:52)

• La Religion apporte une réponse pour le sens de la vie pour certaines personnes ;
• Une autre réponse de païen : nous participons à la vie future qui sera peut-être meilleure par nos actions car nous sommes là ;
• Dans mon premier livre, les clés secrètes de l’Univers, j’explique tout cela et je me pose la question du sens. La réponse me vient de Boris Cyrulnik : le sens de la vie est une notion purement individuelle ;
• Le sens est individuel et ce sens naît de la nécessité qui n’est plus que de se nourrir actuellement ;
• La notion de sens se communique : l’Église est un endroit où le sens se communique ;

Conseils aux parents (02:03:07)

• On est tous différents avec des environnements différents mais quand l’enfant est petit, le prendre dans ses bras, lui parler et même pendant la grossesse ;
• Mes trois filles m’ont dit qu’elles ont eu un papa proche d’elles alors que j’étais toujours en voyage en semaine ;
• Quand on est avec ses enfants, il faut être proche et disponible ;
• Rappelez-vous que vous êtes un animal et connectez-vous à votre corps et si possible à la nature ;
• Soyez en communions avec votre famille ;

Routine et hacks de Michel Galiana-Mingot (02:09:09)

• Quand on parle en public, on a souvent le trac : pour le vaincre, la relaxation psychosomatique où on est capable d’obtenir la relaxation en quelques secondes ;
• Sans m’en rendre compte, je pratique un vide qui me permet de tourner une page ou de vaincre une tension excessive ;
• On est prisonnier par le temps ;
• Dans mes excursions sur Saint Jacques de Compostelle, on perd la notion du temps : on raisonne en kilomètres ;

Les rêves de Michel Galiana-Mingot (02:17:39)

• Je n’ai pas de rêves particuliers : je suis heureux de ma vie ;
• Mon entourage et ma passion me comblent ;
• Je pense que je quitterai ce monde heureux d’avoir vécu cette vie ;

Place à ton défi (02:21:31)

• Va te promener dans la nature, seul, et sens les choses autour de toi !
• Cela nous rapproche de nous-même en tant qu’animal et de la planète qu’il faut sauver : c’est le moyen d’être conscient des choses !

Ressources

• Le site de Michel Galiana-Mingot
• LinkedIn de Michel Galiana-Mingot
• Les clés secrètes – Michel Galiana-Mingot
• L’Univers millefeuille – Michel Galiana-Mingot
• Le Cygne noir : La puissance de l’imprévisible – Nassim Nicholas Taleb
• Un petit livre rouge sur la source: Un regard inspirant et libérateur sur le management et la vie grâce aux « principes source » – Stefan Merckelbach
• Épisode avec Nicolas Hennion – Dissoudre ses peurs, sexe tantrique et déscolarisation 
• Épisode avec Dominique Simoncini – La prépa mentale pour dépasser ses rêves les plus fous